Elle a besoin de repos

Elle redresse la tête en souriant.

"N'aies pas l'air si inquiet, je reprends assez vite des forces, en général. Je crois que je vole un peu d'énergie aux gens sans m'en rendre compte. Reflexe défensif je présume."

Elle regarde sa main.

"C'était plus chaud que ce que je pensais."

Elle a un sourire qui veut dire mille choses à la fois. Alors pour une fois, elle décide d'expliquer. Elle s'asseoit dans son lit.

"Mon don, comme tu l'appelle, ne m'a jamais été très agréable et cela fait peu de temps qu'il n'est plus un enfer. J'ai été totalement agoraphobe, pendant très longtemps, tant il m'était difficile de survivre aux flots de sentiments qui m'envahissaient en permanence. J'ai cru devenir folle. Plus d'une fois. Et j'ai perdu le contrôle très souvent.

En arrivant ici, il y a quelques temps maintenant, j'ai rencontré une personne. C'est assez étrange à dire, mais c'est elle qui m'a guérie, en quelque sorte. D'un chaos de sentiments duquel je ne discernais même pas les miens - j'étais un peu comme une coquille vide livrée aux quatre vents -, j'ai peu à peu extirpé ce qui m'appartenait et mis de la distance entre moi et les émotions des autres.

Ce que j'essaie de t'expliquer, c'est que malgré la fulgurance de ta douleur, malgré sa force, cela n'a pas été trop pénible. Justement parce que je sais qu'elle ne m'appartient pas. Ce n'est pas mon combat."

Elle a de nouveau ce regard terriblement intense. Je pense que ça vient de son don d'empathe. Elle a simplement le regard de quelqu'un qui vous comprend, pleinement et sans ombre. C'est sans doute cela qui en fait un regard si difficile à supporter.

"...Je pense que tu as frappé à la bonne porte. C'est ridicule à dire et je sais bien que mon pouvoir ne peut pas détruire d'autre vie que la mienne mais j'ai vu une personne faire des miracles, dans cet Institut. Et avec beaucoup de gens."

Elle a un joli sourire.

"...Tu devrais t'adresser à elle. Je suis sûre qu'elle pourrait t'aider. Je sais que c'est dur à croire, mais elle a un truc, je pense, parce qu'elle n'a encore jamais échoué."

*Enfin... Sauf dans mon cas, mais c'est parce que j'ai refusé de la voir et de la laisser faire...*

Gêne mentale.

Et elle le sent. Etonnant, non ? (Ceci était ironique.) Elle regarde autour d'elle et soupire.

Il y a des chutes de tissus partout, des mannequins à moitié habillés, des essais de customisation, la machine à coudre prend le peu de place qui reste entre les carnets de croquis et les roulaux de tissus sur le bureau. C'est un bordel incroyable.

"...Je vois qu'elle a encore rangé..."

pour essayer de se mettre à l'aise, Basile essaye de lancer la conversation

c'est toi qui fait ça ? Tu es une fan de mode ?

*Je dis vraiment de la merde parfois *

Elle rit. Ca la change complètement, on dirait une autre.

"Non ! Bien sûr que non ! C'est ma camarade de chambre, on dirait pas comme ça mais elle cache bien son jeu !"

"Disons qu'elle ne se laisse pas facilement découvrir."

Elle rit intérieurement. Elle est assez mal placée pour dire ça, finalement.

Elle lui rend son sourire et se redresse tout à fait dans son lit avant d'entourer ses jambes repliées de ses bras, posant le menton dessus.

"Elle est assez particulière. Elle me renvoie à mes propres émotions."

"Bah!"

Elle secoue ses cheveux, elle est soudainement gênée, dieu sait pourquoi. Elle ne sait plus trop quoi dire. C'est pas une reine de la conversation. Son truc c'est plus l'oeil de velour et le mystère froid. Genre faut vraiment la percer pour qu'elle devienne bavarde. Et encore je suis pas sûre que Sky puisse dire d'elle qu'elle est bavarde, haha.

Elle est un peu stupéfaite de la façon dont il a posé la question. Ca la ferait presque rire. Dans une autre vie. Mais elle sourit quand même.

"Il y a quelques mois... Ca me semble parfois des jours, d'autres fois des années, j'étais complètement engloutie par mon pouvoir. Encore aujourd'hui il m'arrive d'avoir du mal à distinguer mes sentiments de ceux des autres mais... Mais à l'époque j'étais presque une coquille vide, un simple réceptacle. J'ai failli devenir folle. Plus d'une fois."

Elle a dit ça sans sourire, très calmement, comme si elle racontait l'histoire de quelqu'un d'autre.

"Parfois la thérapie est l'Institut lui-même, pour d'autres encore il s'agit de le fuir pour mieux se perdre avant de se retrouver... Et souvent, il n'y a au monde qu'une personne qui pourra vous aider."

Elle sourit, le regard perdu dans le vague.

"...On a ici plus de chances qu'ailleurs de la trouver."